29/09/2022

La lecture de la presse économique le souligne à outrance : la machine se grippe sévèrement. Ne jouons pas les étonnés ! Toute personne sensée, regardant un peu plus loin que son pré carré et ses petites contrariétés, le redoutait depuis de nombreuses années.

L’argent facile ne couvre plus ses propres ravages. L’hubris technologique ne masque plus ses limites et ses leurres. L’individualisme outrancier de nos mœurs, modèles et pratiques, ainsi que de trop nombreux petits arrangements entre amis, dévastent les indispensables rives de l’intérêt général. Nous nous en sommes bien accommodés pendant des décennies. Il est trop facile de charger tour à tour les Gafam, Vladimir Poutine, Alan Greenspan, les Chinois, les réseaux sociaux ou la caste des technocrates qui ont progressivement pris en main tous les rouages de nos vies. Pour chacun d’entre nous, l’urgence est de définir ce que nous voulons/nous pouvons faire là où nous vivons et travaillons. Ce ne sera sans doute pas assez ; mais, au mieux, nous initierons une lente et salutaire révolution, au pire … nous dormirons mieux.

La question racine est bien de savoir quel est notre désir collectif le plus profond.

Quelle espérance nous anime pour le monde, nos proches et nous-même ? Il est incroyable de constater l’accélération des renoncements successifs qui scandent nos vies personnelles, sociales, citoyennes et professionnelles. Or, une entreprise, une association, une administration n’existent que pour remplir une mission plus grande que la somme des apports de chacun de leurs parties prenantes. Elles ne peuvent grandir, ou pire subsister, que si elles parviennent à les orienter vers une finalité que chacun juge mobilisatrice ou tout au moins pertinente. C’est cela la fameuse « question du sens » qui revient en boucle dans toutes les analyses actuelles.

Ce désir et cette espérance ne sont pas à l’extérieur.

Ils sont consubstantiels à la communauté humaine qui compose, de façon unique et à un temps T, toute organisation économique, politique ou sociale. Il appartient à ceux qui les pilotent de les identifier, de les faire émerger, de les formuler et de les faire partager par tous. Se déployer dans la nouvelle donne digitale, croître avec agilité, réussir sa transition énergétique, mettre le client au centre sont des objectifs, voire des moyens, non des finalités. Et on comprend très bien pourquoi tant de salariés rompent l’affectio societatis qui pourrait les unir à leurs employeurs dans un festival de maux, d’attitudes et de comportements qui reflètent leur désarroi et leur incompréhension : dépression, démission, quiet quitting, burn out, année sabbatique, arrêts maladie, boycott de filières, etc.

Toute écriture d’un plan stratégique, toute réflexion de marque, toute définition d’un contrat social doivent être examinées avec cette exigence.

Une exigence qui est personnelle (au sens où elle engage profondément les personnes responsables) avant d’être systémique. Une exigence qui aboutit à un engagement concret, à une potentielle mise en péril de celui ou de celle qui la porte, à une remise en question confiante et paisible des situations acquises. Il devient urgent de ne plus reproduire à l’infini les modes de réflexions stratégiques et d’actions qui ont engendré l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. Il devient urgent de dessiner le monde et la vie que nous voulons avec la simple certitude qu’ils finiront par advenir, soit par écroulement de modèles éculés, soit par appropriation enthousiaste et mobilisatrice de mille autres façons de vivre, de créer, de  produire ou d’échanger. L’espérance partagée a une puissance supérieure à l’intérêt individuel le plus affirmé et à l’intérêt collectif le plus séduisant. Elle échappe à la contrainte. Elle convoque notre liberté. La réussite n’en sera que plus belle et l’échec considéré comme une expérience salvatrice.

Ne nous disons pas que nous ne sommes pas concernés, que c’est pour les doux rêveurs, que « désir »  et « espérance » n’appartiennent pas à la rhétorique du business, que des « grosses têtes » extérieures vont s’en occuper à notre place, que c’est trop tard pour avoir un impact sur notre plan de carrière. Ne procrastinons pas en attendant, immobiles, la prochaine révolte des ‘gilets jaunes’, la troisième guerre mondiale, le ‘grand remplacement’, l’explosion de la zone euro, notre départ à la retraite, nos deux jours de télétravail ou l’afterwork de 18H30 au bar d’à côté !  L’heure du bilan arrivera bien assez tôt. A nous d’être prêts à l’aborder avec une réelle paix et joie au cœur !

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